mardi 17 juillet 2018

été 2018, jours 46-47-48-49-50-51-52-53-54-55-56/79

(à compléter)

Je déjeune au concessionnaire Mercedes.

J'ai terminé mon rapport d'utilisation de bourse hier. Oui, celui qui était déjà le premier élément de ma liste de choses à faire le 7 août 2017 (mon agenda ne recule pas plus loin).

On m'a déjà conseillé d'écrire en ayant mon lectorat en tête. En écrivant ce rapport, je voyais un cercle de gens cravatés autour d'une table, une table ovale en bois pâle au milieu d'une salle de réunion au 15e étage d'un bureau à Montréal, un groupe d'artistes-intellectuels-décideurs scrutant chaque caractère, prêts à me prendre au détour d'une virgule et mettre fin à toute possibilité de financement public futur. J'ai écrit ce rapport pour eux, tentant de parler leur langage, tentant de séparer ce qui passera de ce qui ne passera pas, évitant tout humour ou légèreté qui risqueraient de ne pas bien être compris, tentant de lire dans leurs pensées sans savoir qui ils sont et de quoi ils ont besoin.

Et en écrivant ceci ce matin, j'ai cette fois tour à tour une lectrice et un lecteur bien précis en tête. Celle-ci pense que les artistes devraient travailler pour gagner leur vie, ne comprend pas tellement cette vie que j'essaie depuis 2-3 ans; j'imagine qu'elle s'imagine que n'importe qui peut avoir une subvention, qu'il y a peut-être trop de subventions, que ça rend paresseux, et qu'un coup la subvention reçue c'est fini, un pet dans l'eau. Celui-là au contraire connaît l'effort et je peux lui partager une subjectivité vulnérable sans crainte, si ce n'est celle de ne pas tellement l'impressionner encore une fois. Fin de l'introduction.

Au final, le rapport contient :

  • 1 texte de 6935 caractères (sur une limite de 7000)
  • 1 budget mis à jour qui inclut :
    • 3 factures
    • 3 documents d'explications, avec des tableaux synthèse et des justifications
    • 1 pdf d'un fichier excel de détails, du macro au micro
  • 12 documents en matériel d'appui, c'est-à-dire :
    • 5 enregistrements audio avec support vidéo
    • 1 blog entier de 12 textes, 30 images et 4 h de musique
    • 1 beau dossier de presse avec table des matières, captures d'écran, pdf convertis en fichiers image — équivalent moderne des coupures de presse — et références au format standard (exemple : Agence QMI (2017, 21 juillet), « Un violoncelliste de Québec se lance dans un contexte de création en costume d'Adam ». Le Journal de Québec [journal], sur le site Le Journal de Québec. Consulté le 21 juillet 2017 et le 25 avril 2018.)
    • 1 photo d'une analyse temporelle d'une pièce de 60 min 36 s
    • des liens vers différentes pages web
  • 1 texte de 305 caractères (sur une limite de 500)
  • 1 texte de 477 caractères (sur une limite de 500)
  • 1 texte de 474 caractères (sur une limite de 500)
J'ai donc envoyé le tout hier à 20 h — c'est-à-dire 14 h, bureaux du Québec — et j'ai tout de suite reçu la confirmation de réception. Ce matin, je reçois à 11 h 30 — c'est-à-dire 5 h 30, bureaux du Québec — l'avis comme quoi « Le rapport d'utilisation a été accepté et le dossier de votre demande est fermé. » J'ai deux réactions en même temps.

D'une part, soulagement. Parfait, c'est fait, c'est fini, j'ai mis tellement de temps à penser à ce rapport, à le préparer, à le repenser, à en reporter l'écriture, à reporter le travail sur d'autres projets pour m'y consacrer, à ne pas m'y consacrer et finalement perdre mon temps bord en bord, à m'y remettre, à le reporter d'une semaine à l'autre dans ma liste de choses à faire, à scanner quelques documents au bureau avant de partir pour Berlin, à finalement rédiger, remanier le texte, rerepenser la structure, élaguer, préparer tous les documents d'appui, faire de la mise en page sur excel, word, calibrer les fichiers numérisés dans un logiciel photo, finaliser, refinaliser... et voici que j'ai la confirmation que tout est bouclé. Et je suis content, bravo à moi! 

D'autre part, je me dis, coudonc... j'en fais-tu beaucoup trop moi là?! La personne qui a reçu ça sur son bureau n'a certainement pas épluché tous les documents d'explications joints au budget, n'a pas regardé tous les documents en matériel d'appui, n'a pas écouté les extraits, etc. c'est mathématiquement impossible. Scénario réaliste : mon rapport est arrivé dans le pigeonnier virtuel d'une personne dans un beau bureau vitré à 14 h. Elle l'a ouvert à 15 h 30, mettons, parce qu'elle était déjà en train de faire autre chose, tsé, enfin j'espère. Puis elle a regardé ça, ok, la checklist, tous les éléments sont là. Elle a lu le premier paragraphe du texte principal, ç'a l'air beau, elle a regardé les noms de fichiers des documents d'appui, ç'a l'air beau, elle a vérifié que le budget balançait, puis elle a cliqué « accepter » à 16 h 15 avant de partir. Ciao les collègues, à demain! Elle en a parlé à personne, un dossier parmi d'autres, peut-être à la limite a-t-elle pensé une seconde que c'était un peu too much pour une subvention de 750$. Mais elle avait autre chose à faire. Puis le système informatique a figé au gouvernement, comme ça arrive parfois, mon acceptation est entrée en file d'attente et ç'a débloqué à 5 h 30 du matin, quand j'ai reçu la confirmation que tout était fini.

Je passe donc à un autre appel, oui, avec joie, mais juste avant, encore quelques minutes, ce matin d'ironie en solo au Mercedes-Welt am Salzufer, quelques minutes à observer ce sentiment d'incompétence bien précis, ce motton, cette impression de ne pas avoir bien compris les directives, l'impression de rejet, d'inconsidération pour mon travail. Et c'est comme ça que je revire mon succès en échec.

À ma droite le Steinway piano à queue du magasin de chars. À ma gauche un présentoir de modèles réduits, montres, lunettes soleil, il y a même un parfum Mercedes, une petite valise à 385€. Plus loin devant, un petit mur d'escalade, une fontaine intérieure et une rivière presque complète, des dizaines de voitures de luxe stationnées sur quatre étages en mezzanine plongeant en spirale du toit vitré. Dehors, les arbres, Berlin, un bon moment pour enterrer ce projet et tout ce qui s'était pris dans ses filets depuis un an.

Si je me dépêche, je pourrais aller à la plage encore. Au cours des derniers jours, je n'ai pas chômé.

07.07 : concert à Ghost Yoga

Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle), Shasta Ellenbogen (alto), Chatschatur Kanajan (violon), Adam Goodwin (contrebasse)

mettre des photos, parler de cette expérience bien particulière de quatuor à cordes expérimental à la sauce Morton Feldman dans un entrepôt désaffecté avec toute une classe de bowspring yoga d'une trentaine de personnes.

08.07 : premier déjeuner chez Mercedes (merci google maps) + pratique de piano à Piano-Center

09.07 :  travail à Staatsballet + souper avec Jean, Lise, Marina + spectacle Olympia Bukkakis : Tales From A State of She-mergency - Research Showing

parler du travail, de la réflexion, perspective queer de Olympia Bukkakis

10.07 : travail @ Staatsballett + session avec le WhatHappensNext Ensemble

11.07 : travail à Staatsballett + concert @ Sowieso
Axel Dörner (Trumpet), Emilio Gordoa (Vibraphone), Klaus Kürvers (Double Bass), Andreas Willers (Acoustic Guitar, Banjo)

12.07 : email au travail (toutes mes dates de concert jusqu'à la fin de 2018) + Conrad réparation de vélo + Julia Dimitroff réparation de ma pique de violoncelle  + concert @ Wiesenburg
Ignaz Schick (tables tournantes), Emilio Gordoa (vibraphone préparé, objets), Nicola L Hein (guitare électrique). Adam Frankiewicz (lecteurs cassette). Lena Czerniawska (installation, art visuel sur cassettes).

13.07 : session chez Klaus + magasinage de jeans infructueux + soirée au ZK/U Zentrum für Kunst und Urbanistik
session : Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle), Anat Cohavi (clarinette), Klaus Kürvers (contrebasse)

14.07 : café Romeo und Romeo + concert au Staatsoper + soirée rock à Große Freiheit
15.07 : critique biaisée Flughafensee
16.07 : café A + concert à Geyger
17.07 : blog chez Mercedes + envoye la plage il fait 28°C

18.07 : session Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle), Max Stehle (sax), Rosemarie Jäger (piano)

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