mardi 26 janvier 2016

Boucler la (les) boucle(s)

Je suis revenu à Berlin en 2015 en me disant que je boulais la boucle avec ma visite de 2008. Alors que je suis ici, je me rends compte que mes expériences sont autant de boucles que j'aurai éventuellement la joie (ou le regret) de boucler (ou ne pas boucler).

Aujourd'hui, je pensais bien boucler la boucle sur le processus d'entrevue et d'audition pour être pianiste à l'école de ballet, mais je me trompé dans mes affaires et je suis arrivé une demi-heure en retard. Sérieux, fuck. Ce que je croyais être une avance confortable, professionnelle et relax s'est transformée, à la relecture d'un courriel au coin de la rue, en honteux retard. Je crois m'en être bien tiré malgré la bourde, deuxième chance samedi prochain. Mettons que j'avais besoin de prendre une marche après ça.

Je viens d'aller visiter la Brandenburger Tor (prise 2)


La semaine dernière, en revenant de la première partie de mon entrevue à l'école de danse, j'avais trouvé la lumière belle et décidé de partir faire mon touriste à Berlin. Au retour, j'avais perdu les photos à cause d'une histoire de mise à jour de cellulaire et j'étais encore déçu de ça. J'avais ouvert une boucle. Je l'ai bouclée aujourd'hui, je suis bien content de publier les photos de touriste que je viens de prendre.

Sur le petit pont de l'Inselstraße, j'ai vu un bateau sur le Spreekanal.
Au deuxième plan, la fameuse Fernsehturm.
Les grues se font aller, Berlin rebâtit son vieux château à neuf sur la Spreeinsel!
Le Berliner Schloss original a été détruit pendant la deuxième guerre mondiale.
L'histoire de ce bâtiment, qui remonte à l'an 1443, est pleine de rebondissements ;
elle continue de s'écrire aujourd'hui, comme l'explique bien ce passionné d'architecture
Prochain arrêt, Berliner Dom. Méchante cathédrale.
Plusieurs sites de construction sur mon chemin vers la fameuse Brandenburger Tor.
Alors que je poursuis mon chemin sur la rue Unter den Linden,
je croise la Reiterstandbild Friedrichs des Großen (statue équestre de Frédéric le Grand).
Nous y voilà, la Brandenburger Tor. Au centre de la photo, tiens donc, je reconnais ce drapeau.
À mon tour de prendre la Brandenburger Tor en photo.
Il s'agit sans doute du monument le plus photographié de Berlin.

Passé la Bandenburger Tor, je rejoins la Ebertstraße et je passe le Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe.
On dirait des tombeaux, mais le tout a quelque chose de vivant, organique.. 
Quand on traverse le Mémorial, le plancher descend et on se retrouve soudainement entouré par les pierres,
qui mesurent jusqu'à 4 mètres de haut. L'ambiance n'est pas le fun, je pense que l'oeuvre est très réussie.

De l'autre côté de la rue, le Mémorial aux homosexuels persécutés pendant la période nazie.
Encore une fois, la sobriété est de mise avec un gros bloc de béton.

En s'approchant du Mémorial, on peut regarder, par une petite fenêtre,
le court-métrage de deux jeunes hommes qui s'embrassent avec émotion.

Bon, j'ai pris un selfie devant le Centre des sciences Ottobock, à l'architecture intéressante.
La personne derrière cette fenêtre-miroir doit en voir plus d'un faire comme moi.

Au prochain coin de rue, le Sony Center en impose, avec sa cour intérieure partiellement recouverte.

Je n'ai pas souvent envie d'une bière d'après-midi,
mais je le méritais bien après ma matinée.
C'est ma fête après tout!

Ma visite au Sony Center était aussi l'occasion de boucler la boucle avec ma dernière visite à cet endroit exact, en 2008.

Il s'agissait de la journée suivant ma première nuit à Berlin. Mes plans d'hébergement n'avaient pas fonctionné et j'étais rendu à un Hosteling International bidon. Je ne parlais pas un mot d'allemand, j'étais pris avec mes bagages... Je viens de relire le récit un peu traumatisant de mon arrivée en 2008 : « 4 juin [2008] : Se réveiller tôt, ça fait des journées bien remplies. Après avoir déjeuné à l'auberge de jeunesse, je pars au Sony Center, gros tas de gratte-ciels réunis par un espèce de demi-toît de Stade olympique, avec une cour intérieure et où on me dit qu'il y a de l'internet gratuit. »

J'avais alors passé deux jours complets assis à cette table, parcourant les nombreuses annonces de logements à sous-louer et établissant mes premiers contacts. Je me suis souvent rappelé, depuis ce temps, le goût de cette bière allemande au Sony Center, alors que je me sentais enfin en sécurité, après une arrivée au pays un peu rock n roll.

En quittant le Sony Center, j'attends l'autobus devant Potsdamer Platz et ses gratte-ciels étroits.
Au premier plan : les pistes cyclables à Berlin sont partout et bien identifiées.
Au deuxième plan : quelques morceaux du mur de Berlin, et les touristes qui viennent avec.
 Bye bye les touristes, de retour près de chez-moi, sur la très vivante Sonnenallee et ses nombreux commerces.
Ici, un dépanneur (Spät = tard, kauffen = acheter, Spätkauf = dépanneur ouvert tard)

Plus j'y pense, plus je trouve que l'idée de « boucler la boucle » revient souvent et peut s'apprêter à toutes les sauces. Aujourd'hui, je pensais à différentes boucles que j'ouvrais et bouclais à Berlin. Demain, je travaille au cinéma, ce qui me donnera l'occasion de réfléchir à une interprétation musicale de « boucler la boucle ».

lundi 18 janvier 2016

L'expérience berlinoise ultime

Je travaille dans un cinéma porno.
Je reviens d'aller visiter la Brandenburger Tor.
Je roule mes cigarettes.

L'expérience berlinoise ultime.

Alors que je m'apprête à écrire un des articles les plus intéressants de mon blog jusqu'à date, je suis distrait par l'état de mon téléphone. Je voulais illustrer ce qui suit avec plein de photos mais, au moment de les importer sur mon ordinateur, on m'a proposé de faire une mise à jour, j'ai accepté, un message d'erreur est apparu et je dois maintenant attendre que ça recharge avant d'opérer une résurrection potentielle, avec ou sans ce qu'il contenait avant.

J'ai tourné en rond pendant un petit moment, regardant, très déçu, l'écran figé de mon téléphone. J'étais tellement content des photos prises aujourd'hui! J'avais fait honneur à mes racines en prenant en photo des sites de construction, entre autres. La lumière était idéale. Enfin, aussi bien se mettre à écrire pendant que ça recharge. Au mieux, des photos illustreront ce qui suit ; au pire, je dois faire un reset et tout perdre. Et merde. [Note, quelques heures plus tard : j'ai en effet tout perdu, photos, contacts, applications, etc. Je vais m'en remettre, j'y travaille à l'instant.]

J'ai hâte de recevoir mon agenda! Il a été envoyé de Québec le 17 décembre et aura traversé l'Atlantique en bateau avant d'atterrir dans ma boîte à lettres. J'ai tellement de choses à écrire dedans et on dirait que je n'arrive pas à m'organiser autrement. J'ai bien commencé une liste dans un cahier quelque part, puis une autre liste ailleurs, mais je me dis que mon agenda arrivera « demain » et que ça n'aura pas valu la peine de mettre ces efforts dans un truc temporaire. Agenda google, non merci! Qu'est-ce que j'ai tant à écrire dans mon agenda? Les concerts auxquels je veux assister, les soirées à ne pas manquer, les concerts que je donnerai, les pratiques de la chorale, les dates du prochain voyage de chorale, la folie qui m'attend au mois de mars avec la tournée du GGRIL en France, les dates limites pour toutes sortes d'affaires, des rappels pour le paiement du loyer (300€ trois jours avant le 1er du mois), de mon cellulaire (9€ autour du 12 du mois), de la location de violoncelle (68€), de ma passe d'autobus (58€ le 2 ou 3 du mois) et... mon horaire de travail!

Je travaille dans un cinéma porno


1. Comment j'ai pogné la job


Qu'est-ce que c'est que ça? Eh bien, je suis ici pour essayer de nouvelles choses, en voilà une bonne. Un nouvel ami me disait l'autre jour qu'il travaillait à temps partiel comme caissier dans un cinéma porno et qu'une place était peut-être libre.

J'ai sauté sur l'occasion pour faire une version allemande de mon CV (avec beaucoup d'aide) puis je me suis présenté le lendemain même, le mercredi 6 janvier 2016, à la filiale du cinéma où je savais que le superviseur travaillait. Je lui ai remis mon CV en mains propre, lui ai fait comprendre que j'appliquais pour l'emploi (Ich bewerbe mich), on a parlé pendant deux minutes à peine puis j'ai obtenu un rendez-vous au « siège social » pour le surlendemain. Est-ce que j'ai mentionné que tout ça se passait en allemand? J'ai reçu un courriel de confirmation très officiel :
Sehr geehrter Herr Bélanger de Beauport,

wir bedanken uns hiermit für Ihre Bewerbung und das Interesse an unserem Unternehmen.

Sie haben unser Interesse geweckt und deshalb würden wir Sie gerne persönlich kennenlernen.

Wir laden Sie herzlich zu einem Vorstellungsgesprächein.
Das Vorstellungsgespräch findet am Freitag den 08.01.2016 statt.

Wir haben noch einen freien Termin um 14:30 Uhr.

Bitte kommen Sie in die Zentrale [...]

Wenn Sie den Termin wahrnehmen können oder nicht, dann lassen Sie es uns wissen.
Mit freundlichen Grüßen [...]
Le vendredi 8 janvier, j'ai donc eu ma première entrevue tout en allemand. C'était avec le superviseur que j'avais déjà rencontré et un autre, qui doit être plutôt aux ressources humaines et à l'administration. En tout cas, ce dernier avait trois téléphones différents sur son bureau. Je n'ai pas tout compris de l'entrevue, c'est certain, mais j'ai compris l'essentiel et ça me satisfait.

Parfois, quand je ne comprends pas trop ce qui se passe dans une conversation tout en allemand, je copie l'expression du visage des autres en opinant de la tête, en espérant que la phrase ne se terminera pas en question pour moi. En entrevue, ils n'y ont vu que du feu j'en suis sûr. De toute façon, pas besoin d'une si grande maîtrise de la langue pour opérer une caisse enregistreuse.

Je crois que toutes sortes de monde appliquent sur cet emploi, et c'est pourquoi, suite à l'entrevue, on m'a demandé de me présenter sur les lieux du travail pour voir ce qu'il en était. J'ai donc rencontré mon superviseur, pour la troisième fois en peu de temps, le mardi 12 janvier, au « cinéma ». Alors que je croyais qu'on voulait me présenter les lieux et me montrer de quoi avait l'air une soirée typique au travail, j'ai eu plutôt droit à un training en règle. Ça c'est la lumière, voici comment fonctionne le chauffage, le coffre-fort, la caisse, etc. Je prenais des notes et je ne me gênais pas, cette fois, pour faire répéter quand je n'étais pas certain de bien comprendre ; pas question de faire semblant quand il s'agit balancer la caisse ou utiliser la clé spéciale pour barrer la porte.

À partir de ce moment, il n'y avait plus que l'administration allemande qui pouvait m'empêcher de décrocher la job. J'ai assez travaillé fort pour avoir mon visa de travail (Arbeitsvisum) et mon enregistrement auprès des autorités locales (Anmeldung), il me fallait maintenant un numéro d'assurance-pension (Rentenversicherung)! Finalement, tout a fonctionné et j'ai signé mon contrat de travail (Arbeitsvertrag) le 13 janvier 2016. On m'a remis les clés du commerce.

Hier, dimanche le 17 janvier, j'ai effectué mon premier quart de travail. J'étais un peu nerveux, c'est quand même quelque chose de se retrouver tout seul lors de sa première fois, dans un autre pays, dans une autre langue, en veux-tu en v'là. J'ai débarré la porte, allumé les lumières, activé la caisse, la radio, le chauffage, fait mon ouverture du coffre-fort, compté l'argent, etc. Puis, à la fin, j'ai fait mon rapport de caisse, mon dépôt dans l'autre coffre-fort, ramassé ce que j'ai pu et tout fermé avant de verrouiller la porte et la porte coulissante de sécurité. On me pardonnera d'avoir oublié d'éteindre l'enseigne dehors, il faut bien que je me laisse place à l'amélioration!

Les conditions de travail sont au minimum : je travaille à 8,50€ de l'heure, 53 heures par mois, pour un total de 450€ par mois, payable en un seul versement à chaque 15 du mois. Dans le dédale administratif allemand, on appelle ce type d'emploi Mini-Job.

L'horaire de travail est parfait, de 14 h à 22 h, et je travaillerai donc entre deux et trois jours par semaine. Je me suis engagé à honorer le contrat jusqu'à la fin de mon séjour en Allemagne.

2. Ce que je fais et de quoi ç'a l'air là dedans


Eh bien, ça prend un peu d'ouverture d'esprit pour la suite. Le commerce est réservé aux hommes. Quand le client entre, il se retrouve dans la partie sex shop. C'est là que je travaille, assis à la caisse. Puisqu'une de mes tâches est de faire l'inventaire (Inventur) à chaque quart de travail, j'ai fait le tour de ce qu'on vend hier pour la première fois. Il y a pas mal tout ce que ça prend pour avoir une chaude rencontre, seul, avec un autre ou avec plusieurs autres : revues porno, condoms de toutes sortes, à peu près 10 marques de lubrifiants différents, un grand éventail de DVD, des cockrings, des dildos, etc. Il y a aussi un frigidaire avec de la bière (Beck's, Beck's Gold, Beck's Green Lemon, Beck's sans alcool, Berliner Pilsner), du fort (Jägermeister en petits formats, canettes de Jack Daniel's Whiskey Cola, de Jim Beam Bourbon Cola et vodka en petits formats) et autres rafraîchissements (thé glacé, eau, Coke zéro, Coca Cola classique, etc.). Je vends aussi du café et des briquets.

Les clients ne restent pas vraiment longtemps dans cette partie sex shop du commerce. Ce qui les intéresse, c'est ce qui se passe de l'autre côté de la porte du fond. Ils se procurent donc une entrée auprès de moi (Tageskarte, carte pour la journée, 10€), je leur débarre un casier où ils peuvent laisser leurs affaires en toute sécurité, puis ils vont s'amuser.

Derrière la porte du fond se trouve un espace qui, je crois, serait tout à fait illégal au Canada, sachant que je vends de la bière à l'entrée. Quand j'ai entendu parler du cinéma porno pour la première fois, je m'imaginais une salle de cinéma régulière, avec un grand écran et des films porno. Ce n'est pas ça du tout. Derrière la porte du fond, ll y a une vingtaine de cabines de visionnement, disposées autour et au centre de deux salles. Il y a aussi un divan. Ce n'est pas très grand tout ça, chaque cabine a environ la taille d'une cabine de toilette de centre d'achat, pour donner une idée. Tout est peint en rouge et l'éclairage est assez sombre. Chaque cabine a sa télé, chaque télé a son porno gay. Chaque cabine a son petit banc, sa petite poubelle et son distributeur de kleenex.

Il y a aussi des trous dans les murs des cabines, et je crois que c'est ce qui attire le plus les gens. Je ne suis pas allé voir ce qui se passait derrière la porte du fond pendant mon quart de travail mais je n'ai pas trop de difficulté à me l'imaginer. Premièrement, l'odeur de cigarette qui y régnait quand j'ai fait la fermeture, malgré le petit nombre de clients, m'a confirmé qu'il doit y avoir beaucoup d'attente et assez peu d'action. Les gars restent là pour deux ou trois heures, fument cloppe sur cloppe, entrent et sortent des cabines et espèrent voir quelqu'un d'intéressant. Avec un peu de chance, cette personne prend place dans la cabine voisine et il est alors possible de l'observer par le trou. Et le trou est assez grand pour que ce ne soit pas que le regard qui y passe.

Pendant leur séjour au cinéma, certains viennent me voir pour se procurer une bière ou un café, d'autres passent la porte la porte du fond et n'en ressortent que pour quitter l'endroit. Il s'agit d'un public d'hommes d'un certain âge, et je crois que venir au cinéma porno représente pour eux un bon moment, une façon de vivre leur sexualité sans gêne et dans le respect. L'ambiance de travail est bonne, les clients sont satisfaits! Les choix de radio satellite sont par contre vraiment désolants, mais j'avoue que même si je pouvais choisir la musique je ne saurais pas trop ce qui convient.

3. Pourquoi ça me tente de faire ça


Quand je décris ce travail comme « l'expérience berlinoise ultime », c'est avec un brin d'humour bien entendu, quoique la ville ait une réputation d'ouverture au niveau des pratiques sexuelles. Un tel commerce serait impensable au Québec, à mon avis, tant aux points de vue légal que culturel. Par culturel, je veux dire que, selon moi, les gens au Québec auraient tellement peur de se faire juger s'ils se faisaient prendre à aller dans un tel endroit qu'ils n'oseraient jamais y entrer. Les saunas gays ont peut-être cette fonction au Québec, mais j'imagine que c'est différent parce qu'il y a toujours le prétexte du « sauna » et, fait important, on n'y vend pas d'alcool. Autre culture, autre moeurs, voilà une des raisons qui m'ont donné envie de travailler là.

Ce qui m'intéresse le plus de ce travail par contre, ce n'est pas la découverte culturelle. Ce qui m'a attiré en premier lieu, c'est qu'il s'agit d'un travail où on est payé, grosso modo, à ne rien faire. Puisque je suis à Berlin pour réfléchir à mon affaire et organiser la suite des choses, une job où on a plein de temps pour le faire me semble idéale. Au delà de l'ouverture, l'inventaire et la fermeture, mon travail consiste à prendre quelques secondes pour accueillir les clients (Hallo!), les faire payer (10€, danke schön) et leur souhaiter une bonne soirée (Viel Spaß!). Le reste du temps, c'est à moi de l'occuper et je n'aurai pas de misère avec ça.

Chaque quart de travail devient donc un espèce de rendez-vous avec moi-même. Je suis pris là, 8 heures de temps, sans ordinateur, sans internet, et je compte bien en profiter. Pas question de faire mon mot croisé en regardant les secondes passer, lecture et écriture seront au menu. Déjà hier, malgré que c'était une première, j'ai écrit un petit poème et rempli une page complète de chiffres, ce qui m'a pris plusieurs heures et a donné un résultat intéressant. Ça m'a donné envie de réfléchir à la notion de processus, en musique et ailleurs en art. À suivre.

Une autre des raisons qui m'ont fait pencher pour ce travail, c'est le contraste avec ce que je faisais avant. Au cours des dernières années, je me suis parfois dit que je serais peut-être plus heureux avec un emploi moins prestigieux mais plus de temps à consacrer à la musique. Depuis que je ne travaille plus, c'est une pensée qui revient de plus en plus souvent. Je me dis qu'au lieu de travailler 60-70 h par semaine et être payé 28 h au gros salaire, je pourrais peut-être travailler 25-30 h par semaine au salaire minimum, être payé pour chacune de ces heures, et disposer du reste de ma vie pour faire ce qui m'intéresse vraiment. C'est une option, il faut bien l'essayer pour voir.

De plus, jusqu'à date, je n'ai pas envie d'être défini par mon travail. J'ai entendu souvent à Rimouski « Je te présente Rémy, il est prof de math. » et ça ne me convient pas. Ça ne me décrit pas. Dans le cas de mon travail au cinéma porno à Berlin, personne ne me présentera en disant « voici Rémy, il est caissier au cinéma porno. » La  limite est claire entre travail et identité. J'ai été agréablement surpris, l'autre jour, lorsqu'une nouvelle amie m'a dit avoir parlé de moi à des amis en disant « il est musicien ». Voilà qui me va mieux.

Je suis donc à Berlin pour essayer des choses, voilà une bonne occasion d'essayer une job avec peu de responsabilités et dont chaque heure de travail est payée. Ajoutons à ça qu'il s'agit d'une job qui me laisse plein de temps, pendant que je travaille, pour lire, écrire et penser. Je suis content de mon nouvel emploi!

Je viens d'aller visiter la Brandenburger Tor


Le cinéma porno ne m'empêche aucunement de continuer les démarches pour être pianiste pour des classes de ballet, bien au contraire. Aujourd'hui, j'avais une entrevue dans une école professionnelle. Ça s'est très bien passé mais je préfère ne pas trop en parler, ni même trop y penser. La glace est brisée, voyons voir si les autres étapes suivent. Reste que la journée était radieuse, je revenais d'une entrevue pendant laquelle j'avais pu jouer un peu de piano à queue dans un grand studio danse et je me sentais léger. J'ai -- enfin -- eu envie d'aller voir la plus grande attraction touristique de Berlin.

J'ai consulté la carte sur mon téléphone et je me trouvais à 35 minutes de marche de la Brandenburger Tor, j'ai décidé de m'y rendre à pied.

Ici, c'est toutes les belles photos que j'ai prises mais qui ont été effacées lors de la mise à jour de mon téléphone.

Vraiment déçu! C'était beau.

Je roule mes cigarettes


À Berlin, ça fume. Ça fume dans les bars, dans plusieurs cafés, dans certains restos, dans la rue, dans certaines stations de métro, etc. Plusieurs fumeurs, si ce n'est pas la majorité, roulent leurs cigarettes. J'ai décidé d'essayer ça et je m'en viens pas mal bon. Ce qui me plait particulièrement ici, c'est qu'on a accès à du tabac, du papier et des filtres de cigarettes biologiques et écologiques. Ça fait longtemps que j'en parle : alors qu'on a accès à de plus en plus d'aliments bio, sans additifs, etc., alors qu'on a même du vin bio, du café équitable depuis longtemps, il semble qu'il n'y a rien à faire pour le tabac au Canada. J'avoue que j'ai de la misère à m'imaginer un groupe de fumeurs qui manifesterait sur la place publique pour du meilleur tabac. En tout cas, ici, on a tout ce qu'on veut. Ces temps-ci je fume du tabac 100% vegan sans additifs, avec des filtres écologiques biodégradables. Tant qu'à fumer.







lundi 11 janvier 2016

Olympia Bukkakis. Dilly Dally. Réflexions sur la structure musicale suite au concert de Thomas Lehn et al. Une citation de Courtney Love.

Depuis que je suis arrivé à Berlin, plusieurs personnes m'ont fortement recommandé d'aller à Gegen. Il s'agit d'une soirée qui revient à tous les deux mois, qui ne semble se terminer que bien tard dans la matinée du lendemain et dont la description, qu'on peut lire sur leur site internet, semble tout droit sortie d'un travail universitaire de baccalauréat en études du genre, première année. J'exagère à peine, chaque instance de Gegen vient avec son essai philosophico-queer examinant une facette du « problème » capitaliste, sexiste, hétéronormatif, etc. Sans en faire mon pain quotidien, je trouve pour ma part ces réflexions intéressantes. Je penche également en faveur de se servir de la promotion d'un party pour être un peu subversif et pousser ses idées ; ça met la table et donne tout de suite une bonne raison de virer quelqu'un qui aurait un comportement inacceptable selon ces principes. Je pense par contre qu'on retrouve probablement plus de cuir, de lycra et de barbes de hipsters que de citations de Judith Butler un coup rendu sur place.

Tout ça pour dire que j'ai encore manqué Gegen, qui était vendredi passé. Il me faudra attendre au mois d'avril pour (manquer encore?) la prochaine édition. J'ai manqué Gegen parce que ça ne me tentait pas de me retrouver dans le noir avec du monde en sueur, du gros techno à défoncer les tympans et un taux d'oxygène dans l'air qui fait probablement peur. J'ai manqué Gegen, dont je rêve de voir des émules à Montréal ou à Québec, mais je ne regrette rien car j'ai passé une excellente fin de semaine.

J'ai continué à faire ce que j'ai vraiment envie de faire, sans suivre le mouvement trop trop. J'ai été à The Club vendredi soir voir Olympia Bukkakis. J'ai été à Rosi's samedi soir voir Dilly Dally. J'ai été à l'Exploratorium dimanche soir voir Tiziana Bertoncini, Thomas Lehn, Urs Leimgruber et Andreas Willers.

Olympia Bukkakis


Plus ça va, plus je l'aime cette drag queen là. J'ai été la voir pour la première fois en octobre passé, alors que je venais de déménager pas loin de The Club, et j'ai tout de suite aimé ce qu'elle propose. Il s'agit d'une ambiance dépouillée : pas de décor autre qu'un divan sur une petite scène, pas d'éclairage sauf un spot et quelques lumières d'ambiance, pas de micro et un système de son vraiment pas très puissant. La formule est simple : Olympia arrive vers 22 h 30 ou 23 h, fixe le public dans les yeux jusqu'à ce que tout le monde se taise, se met à parler de sujets d'actualité, dérive sur des histoires personnelles super cocasses, insère sa critique du monde, puis fait une première chanson en lipsynch avec des accessoires du bord (vendredi passé, elle a utilisé un ouvre-bouteille de vin pour mimer une flûte à bec et un verre vide pour mimer la tête d'un amoureux imaginaire) ; il y a ensuite une pause et une drag queen invitée vient faire une chanson ; il y a une dernière pause et Olympia Bukkakis revient nous parler un peu avant de faire un dernier numéro.

Olympia Bukkakis, trash drag par excellence.
J'ai trouvé la photo sur un site que je n'ai pas pu référencer.
Il y a une entrevue en profondeur sur un blog.
Ce que j'aime principalement de cette soirée du vendredi, outre le fait qu'on se sente comme dans le salon de quelqu'un, c'est l'humour. Il s'agit d'un humour vraiment intelligent, ironique et basé sur une vision féministe de la société. Rien à voir avec les drag queens de Montréal, même les meilleures, qui cultivent le rire gras de leur public en ridiculisant tout le monde et en faisant souvent des commentaires problématiques pour les personnes trans. Lors de la Journée du souvenir trans, Olympia Bukkakis, elle, a interrompu son show pour lire, pendant 20 minutes certain, la liste de toutes les personnes assassinées au cours de l'année à cause de la transphobie.

Vendredi passé, Olympia a commencé son show en faisant une joke que personne n'a comprise, basée sur une pièce de théâtre obscure de Shakespeare, elle a ensuite parlé de sa soirée du nouvel an au Berghain avant d'enchaîner sur la querelle entre Sinead O'Connor et Miley Cyrus. High- and lowbrow comedy. Une excellente façon de passer mon vendredi soir encore.

Dilly Dally


J'ai vu une invitation pour le show de Dilly Dally passer sur facebook en début de soirée vendredi passé et c'est ce qui m'a confirmé que je n'avais pas envie d'aller à Gegen. Je ne connaissais pas Dilly Dally, mais j'ai tellement aimé ce que j'en entendu à ce moment que j'ai décidé de prendre ça cool avec la soirée d'Olympia Bukkakis et être frais et dispo samedi soir pour le show de Dilly Dally.

Il s'agit d'un band de Toronto et c'est, à date, ma découverte de l'année. La voix de la chanteuse est fantastique. Aux néophytes, elle peut rappeler Courtney Love, mais je ne suis pas d'accord. Elle me rappelle plutôt un peu la voix de Jean Smith de Mecca Normal, un peu la voix de Kathleen Hanna de Bikini Kill, un peu l'attitude de Annie-Claude de Duchess Says. Le tout supporté par des tounes qui sonnent, avec des beats de drum intéressants, des patterns de guitare et de bass qui rentrent, etc.


Après le show, les gens sont restés longtemps sur le dancefloor. On a dansé sur NIRVANA, entre autres. Ç'a fait du bien, d'entendre enfin le son de la guitare sur les platines du DJ.

Réflexions sur la structure musicale suite au concert de Thomas Lehn et al.


Puis dimanche soir, j'ai été à un concert de musique improvisée renversant. J'avais vu Thomas Lehn lors de son passage à Rimouski dans le cadre des Rencontres de musiques spontanées et je me rappelais que j'avais aimé ce qu'il proposait, sans toutefois me rappeler ce que c'était exactement. Hier, dimanche, je n'ai pas été déçu. L'Exploratorium organise une série de concerts Improvisation International et c'est dans le cadre de cette série que j'avais vu Joëlle Léandre le mois passé. Cette fois, il y avait deux duos au menu : Tiziana Bertoncini (Italie, violon) avec Thomas Lehn (Allemagne, synthétiseur analogue) et Urs Leimgruber (Suisse, saxophones) avec Andreas Willers (Allemagne, guitare électrique). Chaque duo a joué environ 45 minutes sans interruption, et dans les deux cas ça m'a fait réfléchir à l'idée de structure musicale.

Il y a beaucoup trop d'improvisations qui commencent tout petit, à tâtons, qui se poursuivent en gonflant jusqu'à temps d'atteindre un point culminant et qui se nous amènent à la fin, immanquablement, par une redescente interminable. Lors d'une classe de maître donnée à McGill il y a plusieurs années, Jean Derome avait appelé cette structure, non sans sarcasme, Orgasm Form. Toujours à McGill, le professeur de théorie musicale Bill Caplin a quant à lui fait toute une carrière autour de la définition des beginnings and endings, en musique classique, codifiant leurs caractéristiques soi-disant universelles. Quand je pense cette à thématique, je ne peux m'empêcher de penser également à Karlheinz Stockhausen qui, avec sa pièce Momente, par exemple, propose une structure qui n'a pas de « début » ou de « fin » au sens classique du terme -- pas d'Orgasm Form tel qu'évoqué par Jean Derome, qui n'est tant qu'à moi qu'un pâle reflet de cette structure conventionnelle, une fois réalisée en musique improvisée. Stockhausen dit de sa musique, du moins pour Momente et quelques autres pièces, qu'on peut s'imaginer un appareil radio qu'on allumerait : la musique était déjà là avant qu'on arrive, et on est soudainement plongé, en tant qu'auditeur, en plein dedans, sans introduction ; on éteint ensuite la radio : la pièce s'arrête sans crier gare, plutôt que de se terminer de façon conventionnelle.

C'est donc la double dualité start vs begin, stop vs end qui m'intéresse. Ce n'est pas la première fois que j'y pense et je ne suis certainement pas le premier à y penser! Il me semble que, si une pièce peut être séparée en plusieurs sections plus ou moins définies, on pourrait se demander, pour chacune de ces sections, de quelle façon elle a commencé (start ou begin) et de quelle façon elle a fini (stop ou end). Je ne trouve pas les mots français qui correspondent à ça. Start, c'est si comme la pièce commençait en plein milieu, comme si on allumait la radio et le programme était déjà commencé. Begin, c'est quand on a une introduction, quelque chose qui nous met dans l'ambiance afin de débuter le voyage musical. De la même façon, stop c'est quand la pièce se termine abruptement, au milieu d'une respiration ou presque, et end c'est quand on nous dirige lentement vers la fin du voyage.

Dans le cas de la prestation de Thomas Lehn, on a commencé sur un start : il a envoyé des sons de synthétiseur contrastés, la violoniste embarquant là dedans tant bien que mal, et on était tout de suite dans la musique. Il y a ensuite eu plusieurs sections, certaines commençant abruptement comme le début de la pièce, d'autres suivant comme le modèle réduit du Orgasm Form. Au final, tout ça a donné une très longue pièce, comme une mosaïque de plusieurs évènements, plusieurs ambiances, où le duo se rencontrait souvent. On sentait que Thomas Lehn menait la barque, et c'est lui qui a terminé, presque en solo, la pièce sur un end : les sons étaient de moins forts, de plus en plus réguliers. Et puisque cette dernière section suivait une autre section qui avait eu un end évident, j'ai eu vraiment l'impression d'être dans la Coda, ce que Prof. Bill Caplin aurait appelé the end after the end, ou quelque chose comme ça.

Dans le cas de Andreas Willers, leur prestation a plutôt commencé sur un begin : ce n'était pas très fort, le guitariste faisait un petit gossage bluesé, le saxophoniste était dans le suraigu à peine audible. Après plusieurs minutes de ça, découpé en sous-sections, il y a eu comme une déferlante soudaine de distortion et c'est devenu très fort et intense : start. C'est là que j'ai vraiment embarqué dans la musique, le guitariste s'est mis à faire toutes sortes de simagrées, il a même fini par sortir une plaque de tôle et se frapper la tête avec, etc. de façon tout à fait musicale évidemment. Ce qui m'a le plus intéressé de leur prestation -- et c'est maintenant que je m'en rends compte -- c'est le rapport entre les deux musiciens. Le saxophoniste, tant qu'à moi, faisait un peu tout le temps la même affaire. Le guitariste, quant à lui, m'a semblé faire à peu près tout ce qui est possible et impossible de faire avec une guitare électrique. Mais tout ça ensemble a vraiment fonctionné, comme si les différentes ambiances et attaques de guitare permettaient d'entendre le jeu du saxophoniste d'une autre façon, sous un autre éclairage, un peu comme si on lisait le même poème plusieurs fois mais en changeant l'accompagnement musical. Enfin, le saxophoniste était loin de tout le temps faire la même affaire, et le guitariste était loin de se camper dans un rôle d'accompagnateur tout le temps, mais c'est une impression générale que j'ai eue et qui m'a intéressée : le saxophoniste tenait son bout, en restant de long moments sur la même idée, mais tout ceci semblait en transformation constante, à travers l'interaction de la guitare.

En fin du compte, j'ai vu hier des musiciens vraiment intensément plongés dans leur art et qui m'ont servi des mets de haute gastronomie musicale. J'ai fini la soirée en rejoignant une fille de Montréal que j'ai rencontrée. On est allé dans un petit bar où ils ont joué du Sonic Youth et du L7. C'était super de parler québecois ici pour la première fois, on s'est promis de s'y retrouver dimanche prochain.

Une citation de Courtney Love


Encore elle! J'ai écouté une entrevue qu'a donnée Courtney Love la semaine passée. Un moment donné, elle parle de son expérience, de comment elle est devenue qui elle est. Elle dit que, selon elle, Lana del Rey a la même attitude et que c'est ce qui fait que ça marche pour elle aussi. J'ai été réécouter, car ça me trotte dans la tête depuis en fin de semaine. Elle dit, en parlant de Lana del Rey :

« And she's just... got a thing! She changed her name from Lizzy, whatever it was, and then she became Lana del Rey and she came into herself. She knew where she belonged. And that's the thing I think we have in common, is that we both understood where we belonged in the marketplace, in the sense of... not selling out, not doing anything that we wouldn't normally do, not pandering... I don't pander, but I do understand there's a market. »

Comme toujours, tout ce qui sort de la bouche de Courtney Love est un peu difficile à suivre. Elle continue, après plusieurs (plusieurs) diversions. L'intervieweuse lui demande si elle a des conseils à donner, elle répond :

« Just envision, and I think you understand me when I say this, envision where you belong and go there. Do you know what I mean? Lana does that. I did that. »

Et un peu plus loin :

« You just have to have that sense of manifest destiny. »

Courtney Love en 2016, trouvé ici.
Envision where you belong, and go there. Preach!



jeudi 7 janvier 2016

Sur ma table tournante

Ma table tournante et ma collection de vinyles sont en sécurité quelque part au Québec, tout comme ma collection de walkmans, toutes mes cassettes, mes CDs et je ne sais plus quoi encore. Depuis l'été passé, j'ai fait le choix de satisfaire ma curiosité musicale insatiable, temporairement, via Spotify sur mon téléphone (et YouTube quand je suis à la maison). Je me trouve pas mal moderne.

J'ai du temps pour découvrir des artistes que je ne connaissais pas et du temps pour continuer à profiter de ma musique préférée depuis que j'ai arrêté de travailler. J'ai pensé prendre quelques notes ici de ce qui me fait vibrer ces jours-ci, dans l'ordre (ou plutôt le désordre) qui me vient à l'esprit.

Méchant mix éclectique. Je pense qu'une des choses qui unit tout ça, c'est la notion de contraste et de surprise. Peut-être aussi les sons granuleux, les textures saturées, l'attention au timbre. À développer.

Okkyung Lee


Malgré que je joue du violoncelle dans des contextes de musique improvisée depuis près de 10 ans, j'admets ne pas trop connaître mes compatriotes d'instrument dans le monde. Il y a quelques jours à peine, je suis tombé sur la musique d'Okkyung Lee et ça m'a tout de suite rejoint. J'ai passé plusieurs heures à me plonger dans son univers depuis.

La voilà qui fait sérieusement honneur au violoncelle, en trio en 2009 avec deux autres artistes que j'aime beaucoup.



Autechre


Je pense qu'Autechre ça restera toujours pour moi, un peu, la trame sonore de mon départ de Rimouski et mon été 2015 à Montréal. Je m'intéressais à ce duo de musique électronique depuis longtemps sans jamais vraiment avoir pris le temps de les découvrir. Il faut dire que ce n'est pas évident, leur discographie est caractérisée par des changements de styles assez important à tous les deux ou trois albums. On ne sait donc vraiment pas par où commencer.

À l'été 2015, Autechre est arrivé au bon moment dans ma vie. Je ne sais pas si ce sont les sons coupés au couteau, les ambiances dévastées ou le rythme qui glisse sous le pied, mais tout ça passait très bien dans ma chambre à moitié vide et mon intention de bouger.

Depuis, c'est plus relax dans ma tête mais je continue d'écouter souvent Autechre. Voici la track qui m'a peut-être le plus accrochée au début, tirée de leur album Confield sorti en 2001.



Lana del Rey


J'aime enfin une artiste du monde de la musique pop. J'avais entendu parler de Lana del Rey mais elle ne m'intéressait pas, je m'imaginais qu'il s'agissait d'une autre icône artificiellement créée dans le milieu gay, du genre Lady Gaga ou je ne sais trop, dont la personnalité serait intéressante mais la musique serait d'une platitude désolante. Puis j'ai lu dans une entrevue qu'elle était une grande fan de NIRVANA, j'ai eu envie de lui donner une chance et je suis resté accroché.

Le plus récent album de Lana del Rey, Honeymoon, est sorti à peine 48 h avant que je parte pour Berlin. Je me suis retenu de l'écouter jusqu'à ce que je sois dans le ciel, survolant l'Atlantique. Je l'ai ensuite écouté sur repeat pendant quelques semaines, c'était la trame sonore parfaite pour l'été berlinois.



Bill Evans


J'ai découvert la musique de Bill Evans quand j'étais étudiant au Cégep entre 2000 et 2003. Depuis ce temps, Bill Evans revient me supplier de l'écouter une fois ou deux par année, et l'appel est irrésistible. Ces jours-ci, Bill Evans joue pas mal chez moi, et je m'intéresse plus particulièrement à la musique du Bill Evans Trio de 1961-1962, spécifiquement pour écouter les idées du jeune bassiste révolutionnaire Scott LaFaro.

Mon album préféré de Bill Evans reste cependant You Must Believe in Spring. Et cette pièce là, The Peacocks, contient à mon avis les notes de piano les plus poignantes jamais enregistrées. Ça dure même pas une seconde, le gruppetto à exactement 3:33 ici, ça me rentre dedans à chaque fois.

Soit dit en passant, j'ai quelque part le CD original de cet album et c'est le son auquel je suis habitué. Sur Spotify, on ne peut qu'écouter la version remastered, et je ne sais pas pourquoi mais l'effet de ce solo ne passe plus du tout.


Liz Allbee


J'ai découvert la trompettiste Liz Albee en concert à Berlin par hasard il y a un mois ou deux, je suis fan depuis. Son jeu est tout de suite venu me chercher, avec ses cassures et son énergie.

Tristan Honsinger


J'ai rencontré Tristan Honsigner à Montréal juste avant de partir pour Berlin. Quel adon, ce violoncelliste (légendaire?) maintenant basé à Berlin donnait un atelier de musique improvisée de deux jours. J'ai participé à l'atelier, appris à connaître le personnage, et lui parle maintenant régulièrement lors de ses nombreux concerts. Je n'en manque pas un. Enfin, oui j'en ai manqué un le 26 décembre mais j'avais pogné la grippe.

Andrea Parkins


J'ai aussi découvert la musique de Andrea Parkins par hasard en concert à Berlin. Je ne sais pas trop comment ça fonctionne son affaire, elle a un ordinateur, des petits objets qu'elle amplifie et un accordéon et joue d'un peu tout ça en alternance. Elle a une présence sur scène incroyable, et des idées qui sonnent incroyablement. On a jasé pas mal l'autre jour, après un concert de Liz Allbee que nous étions tous les deux allé écouter, elle a un parcours vraiment intéressant et inspirant.

Melt Banana


Je ne suis pas fan de toute la carrière musicale de Melt Banana, mais leur album Fetch, sorti en 2013, est renversant. Je l'ai écouté pas mal au moment de sa sortie, puis j'y suis retourné il y a quelques semaines. Ça fait l'effet d'une claque dans face!



Justin Bieber


Eh bien, j'ai peut-être encore un peu honte mais il faut bien que j'assume que je trouve le nouvel album de Justin Bieber, Purpose, vraiment bon. En voilà un autre qui a été sur repeat dans mon téléphone (j'allais dire dans mon walkman) plusieurs semaines après sa sortie.

Tad


J'ai découvert Tad un peu sur le tard, alors que ça fait plus d'une quinzaine d'année que je suis un fan inconditionnel de NIRVANA, Mudhoney, les Melvins et quelques autres bands des années '90 de la côte ouest américaine. Si Melt Banana est une claque dans face, alors Tad est un coup de pied au cul. J'écoute souvent ça en me rendant à des sessions, mon violoncelle sur le dos, marchant d'un bon pas vers le métro.



Karlheinz Stockhausen


Stockhausen est mort depuis quelques années maintenant, et n'a pas composé tant de musique que ça si on le compare à d'autres grands compositeurs du siècle dernier (et des siècles précédents). Malgré ça, je n'arrête pas de découvrir des pièces de lui que je ne connaissais pas.

Ces jours-ci, je me tape la lecture de ses Texte zur Musik et je me retrouve souvent en train d'aller chercher ses compositions et les écouter ou réécouter avec attention. De plus, récemment au concert de la chorale dont je fais partie, le chef a diffusé la version pour 4 haut-parleurs du légendaire Gesang der Jünglinge.

Je crois que Stockhausen à lui seul fait partie des raisons principales pour lesquelles j'ai eu envie d'aller en Allemagne la première fois en 2008. J'ai ce vinyle là depuis un bon moment dans ma collection.




Courtney Love


Je suis toujours content d'avoir des nouvelles de mon idole Courtney Love. Un vidéo d'elle faisant une reprise de Creep, du band (que je déteste) Radiohead, est justement sorti hier.

La fille de Courtney Love, Frances Bean Cobain, était justement dans l'assistance et a dit, sur Twitter, « I got to watch my mom be the badass she is & destroy Creep by @radiohead tonight ». Bien dit!

lundi 4 janvier 2016

Exercice de traduction. Moi pi le Jour de l'An. En vrac.

Me voilà de retour au Everyday is Sunday, le « Contemporary Asian Café Deli » à côté de chez moi, beaucoup plus sympathique que son nom et sa description ne l'indiquent. Je suis assis à côté d'un petit foyer, il me semble que j'ai eu envie de venir ici tous les jours depuis qu'ils ont fermé pour les Fêtes le 21 décembre dernier. Nous sommes aujourd'hui le lundi 4 janvier 2016 et les activités reprennent un peu partout, du Everyday is Sunday au Two for Two, un autre café pas très loin, que je me promets de visiter depuis quelques temps, en passant par la liste Echtzeitmusik.de de tous les concerts de musique improvisée à Berlin -- qui n'avait pas fermé, mais qui a bien connu un petit ralentissement de contenu, circonstances obligent -- et les pratiques de la Ölbergchor, la chorale dont je fais partie.

De mon côté, le Temps des Fêtes n'a pas changé grand chose à mes habitudes, à part que j'ai été à un peu moins de concerts que les semaines précédentes -- diminution de l'offre oblige -- et que j'ai eu à démêler les horaires spéciaux des piscines municipales. Je ressens quand même que le « congé » est terminé aujourd'hui et reprends une activité que j'aime beaucoup (sarcasme) : la recherche d'appartements. Je me pencherai également plus sérieusement, au cours des prochaines semaines, sur la recherche d'emploi, à mesure que les employeurs reprennent du service.

J'ai pris un bon moment aujourd'hui pour mettre à jour ma liste d'activités et de concerts. Je m'en sers quasiment comme agenda ces jours-ci, en attendant de recevoir mon véritable agenda 2016 en papier, envoyé de Québec depuis la mi-décembre. Ça vaut le coup d'oeil, cette liste. Je la lis et revis les journées, les concerts, l'ambiance à ce moment là, les gens. Une liste vaut mille mots.

J'ai ensuite écrit ce qui suit, un bric-à-brac de toutes sortes d'affaires. Je commence en m'amusant à faire un peu de traduction, puis j'explique pourquoi je ne célèbre pas le Jour de l'An. Je continue dans le désordre avec des réflexions sur le langage, la suite de Fibonacci, mon unique crayon, ma clé, le gaz, l'hiver, la recherche d'appartement, les concerts à venir et le travail. Ouf!

Exercices de traduction


Depuis que j'ai arrêté les cours d'allemand, je continue à apprendre par moi-même, de façon plus ou moins informelle. Ce que je fais, principalement, c'est me mettre dans des situations où tout se passe en allemand, c'est la façon la plus simple de procéder. J'écoute aussi la radio et parfois j'en profite pour chercher des mots que j'entends. Récemment, j'ai commencé la lecture de Katz und Maus, de Günter Grass, en langue originale allemande et, dépendant d'où je me trouve, je fais parfois l'effort de chercher tous les mots dans le dictionnaire, parfois l'effort de ne rien chercher du tout et lire aussi vite que si je comprenais tout. Ça fonctionne aussi. Mot du jour : Mövenmist, « fientes de goélands » (et non « brouillard de la ville de Möven »).

Depuis une semaine ou deux, j'ai décidé d'aller plus loin en faisant un exercice de traduction. Je lis ces jours-ci un des volumes des Texte zur Musik de Karlheinz Stockhausen, une bonne brique bien accotée, avec du langage qui m'est toutefois plus familier, car ça parle de musique. Je suis en train de traduire l'article intitulé Freibrief an die Jugend, écrit et publié juste après mai 1968 par Stockhausen. Le titre seul est déjà un défi de traduction : Freibrief se traduit généralement par « carte blanche», « passe-droit », « licence »,  etc. mais on peut être tenté, vu l'étymologie du mot, de le traduire par « lettre ouverte » (Brief = lettre, frei = libre). Quand j'aurai compris tout le texte, je pourrai dire si Stockhausen donne vraiment une carte blanche à la jeunesse. Je publierai éventuellement les résultats de mon travail, c'est un bon texte de quelques pages bien remplies et je fais tout ça à la main, analyse de phrase en sus.

Je ne limite pas mes lectures à la littérature et à la haute voltige philosophico-musicale. Je lis aussi religieusement la revue Siegessäule, légère et politique à la fois, dont la plupart des articles sont en allemand. Je traduis ici, pour m'exercer encore un peu, et car le sujet me semble bien rigolo, quelques extraits de l'article 5 Tipps gegen Winterblues. De Stockhausen à ça, il y a tout un plongeon.

5 Tipps gegen Winterblues // 5 conseils pour éviter la déprime hivernale 
Spätestens im Januar werden viele vom Winterblues gepackt. In der Zeit, in der die Tage so verdammt kurz sind, kann einem das Leben schon echt trist vorkommen. Wir haben fünf Tipps, wie man sich dagegen wappnen kann. // Au plus tard en janvier, plusieurs seront en proie à la déprime hivernale. Au temps de l'année où les journées sont mauditement courtes, la vie peut sembler vraiment sombre. Nous avons cinq conseils qui diront comment se prémunir contre ceci.
[1.] [...] zum Glück gibt es ja Tageslichtlampen.  // [...] heureusement qu'il y a les lampes à lumière du jour. 
[2.] [...] für die musikalischen sexunterversogten Winterbluesler gibt es ein besonderes Schmankerl : der Vibrator [...] // Pour le déprimé de l'hiver, musical et sexuellement sous-alimenté, il y a une friandise pas ordinaire : le vibrateur [...]. 
[3.] Was macht noch glücklicher als guter Sex? Richtig : gutes Essen. // Qu'est-ce qui rend encore plus heureux que du bon sexe? Exact : un bon repas. 
[4.] [...] Auf zum Ultrakurzurlaub im Vabali Spa. // [...] un voyage-vacance éclair au Spa Vabali. 
[5.] Sauna kann auch kalt sein [...] auf minus 160 Grad. // Le sauna peut aussi être froid [...] à -160°C.

Pas évident de traduire les jeux de mots et le ton jovial et un tantinet coquin des auteurs. Drôle d'adon, ma coloc est justement allée au Spa Vabali le 1er janvier et me l'a chaudement recommandé. C'est peut-être le seul des 5 conseils de l'article que je vais suivre!

Il paraît que traduire dans l'autre sens peut être un bon exercice aussi. J'ai sélectionné un poème depuis un certain temps, Lana del Rey le récite sur son plus récent album et je le trouve vraiment génial. C'est en faisant la recherche maintenant que je m'aperçois qu'il s'agit d'un poème de T.S. Eliot. Ça pouvait bien être intense! « Time present and time past / Are both perhaps present in time future / And time future contained in time past. / If all time is eternally present / All time is unredeemable. / What might have been is an abstraction / Remaining a perpetual possibility / Only in a world of speculation. / What might have been and what has been / Point to one end, which is always present. / Footfalls echo in the memory / Down the passage which we did not take / Towards the door we never opened / Into the rose-garden. » Lana del Rey reste quand même bonne poète sur ses textes à elle, et je suis bien content qu'elle ait attiré mon attention, par cette chanson, sur T.S. Eliot. À moi de m'essayer à le traduire en allemand bientôt.

Moi pi le Jour de l'An


Depuis plusieurs années, je ne célèbre pas le Jour de l'An. Je n'y ai pas dérogé cette année, malgré les invitations intéressantes, dont une histoire de cône en sucre géant, qu'on met en feu au-dessus d'une préparation de rhum et de vin vraiment trop intense (ça s'appelle Feuerzangenbowle, j'ai trouvé une explication assez conservatrice, vidéo à l'appui, de ce qu'on m'a décrit ici, en français).

Je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui, précisément, m'indispose dans l'importance que beaucoup accordent à ce moment de l'année. Il me semble, pour commencer, que le choix de date pour le changement du chiffre de l'année, entre le 31 décembre et le 1er janvier, soit bien arbitraire. Quel rapport avec la nature? Je comprends qu'on souligne le solstice d'hiver, par exemple, qui représente non seulement un fait astronomique, mais également les journées qui commencent à s'allonger ; voilà quelque chose qui a un impact réel sur la vie et qu'on devrait célébrer. Mais le changement du chiffre de l'année entre le 31 décembre et le 1er janvier, il me semble que ça pourrait arriver à n'importe quelle autre date. Je verrais bien le changement de chiffre de l'année s'opérer dans la nuit du 20 au 21 juin, par exemple ou dans la nuit du 31 août au 1er septembre, qui correspondent à mon avis à des moments intéressants de l'année, où les choses changent. Il n'y a rien qui change entre le 31 décembre et le 1er janvier, c'est le milieu de l'hiver that's it.

Cette réflexion étant faite, c'est peut-être pour ça que j'ai de la misère à voir les gens célébrer le changement d'année le 31 décembre, je trouve le décompte un peu ridicule, « 10, 9, 8, 7, 6, ... », j'ai des souvenirs de jokes pas drôles au Bye Bye à la télé, je n'embarque pas dans la célébration à minuit pile, les gens qui se défoncent complètement, en masse, cette nuit là, etc.

Ma façon de passer le Jour de l'An, depuis quelques années, est donc de ne pas faire partie du mouvement. J'écoute parfois un film, espérant qu'il me captive au point où je ne verrai pas la minute entre 23 h 59 et 00 h 00 changer. Qu'elle passe inaperçue, comme toutes les autres, en toute cohérence avec l'idée qu'elle ne souligne qu'un truc arbitraire. Quand j'habitais à Montréal, j'aimais être surpris par le début des feux d'artifices de minuit. Je me disais « Ah, tiens donc, il est minuit et des gens célèbrent ça maintenant. »

Cette année, comme à bien d'autres égards lorsque je réfléchis à mon quotidien en général, c'est pareil et c'est différent. La veille du jour de l'an s'appelle Silvester en allemand et j'ai vu l'expression NYE (New Year's Eve) être utilisée ici aussi. Je n'ai pas souligné la fameuse minute entre 2015 et 2016, cette soirée là j'écoutais plutôt les vidéos de conférences de Jacques Lacan (1971) et Gilles Deleuze (1986). Rien de trop excitant, vraiment. Rien d'ennuyant non plus!

Mais même si je l'avais vraiment voulu, je n'aurais pas pu ignorer le 31 décembre cette année. Il fallait être témoin de toute l'activité pyrotechnique qu'il y avait juste sous ma fenêtre! La tradition des feux d'artifices est très forte ici, ça se passe dans toutes les rues, grandes ou pas grandes et j'ai beaucoup aimé voir et entendre ça, même si j'ai eu un peu peur quand même.

C'est étonnant, les feux d'artifices à Berlin. La ville lève l'interdiction de vente de feux d'artifices 4 jours avant Silvester, puis lève l'interdiction d'en faire sauter pour quelques heures le 31 décembre, dès 19 h. Les Berlinois en raffolent, à tel point qu'encore hier, le 3 janvier, et malgré tout ce que j'ai dit sur l'étrange et étonnante propreté de cette grande ville, je voyais des cadavres d'emballages de feux d'artifices brûlés partout en ville.

Le 31 décembre passé, je prenais donc un café au Schaumschläger, pas très loin d'ici, quand ç'a commencé vers 17 h. Une explosion ça et là. On m'avait prévenu et je suis rentré chez moi vers 18 h alors que ça s'intensifiait. Après ç'a y'a été. Ç'a pétaradé à la grandeur du quartier. Il paraît que Neukölln, c'est là où c'est le plus intense. Je n'ai pas de misère à le croire.

N'importe qui tire n'importe quoi n'importe où. Il y a les petites boules de couleur, les affaires blanches qui tourbillonnent rapidement dans les airs en émettant un cri strident, les grosse coulées de scintillements et les très gros éclatements classiques en sphères multicolores. C'est les Grands feux Loto-Québec, façon chaotique, à perte de vue (et d'audition), manipulés par des apprentis-sorciers patentés. Étonnant qu'il n'y ait pas plus d'accidents, j'ai lu un article de journal qui dit qu'à la grandeur de l'Europe, où la tradition semble être répandue, 5 personnes sont décédées cette année à cause des feux d'artifices, alors que des douzaines ont été blessées.

Pour ma part, ça m'a bien amusé. Un moment donné, j'étais sur le balcon et je regardais ça péter de l'autre côté de la rue quand un feu d'artifice a éclaté juste en dessous de moi! Je suis retourné à l'intérieur en rampant et en me disant que je serais chanceux si toutes mes fenêtres résistaient à l'assaut. En y repensant, je crois que c'est assez improbable qu'un feu d'artifice ait assez de force pour défoncer une fenêtre, mais je comprends ma réaction car le son des explosions, propagé d'autant plus facilement que les bâtisses ne sont pas très hautes (cinq ou six étages partout), est apocalyptique et, transporté et grossi par l'écho, impressionne. Objects in the mirror are closer than they appear.

Voilà pour le Jour de l'An 2015-2016. J'ai boycotté les festivités encore cette année, mais j'ai accepté de bon coeur le divertissement de la rue en liesse. C'est les feux d'artifice et non pas les paroles de Deleuze qui m'ont fait manquer la fameuse minute. Je suis sorti sur mon balcon à 23 h 55, puis je n'ai pas regardé l'heure avant 1 h du matin, au son des explosions. En relisant ce texte dans quelques années, je risque de me trouver un peu snob, peut-être, avec mes histoires de ne pas vouloir célébrer le Jour de l'An, le changement d'année. Peut-être que je boirai alors mon Feuerzangenbowle en faisant le décompte « 5, 4, 3, 2, ... » Enfin, j'ai tenté de décrire comment je me sens par rapport cette célébration (et bien d'autres, tandis que j'y pense) pour l'instant.

Je préfère célébrer quand ça me tente, tous les soirs où je vais voir un super concert, par exemple, ça c'est une célébration, plutôt que de me forcer à participer à ce que je décris essentiellement comme une mascarade.

En vrac : des choses drôles ou pas drôles, mais tout à fait remarquables, que j'ai notées au cours des derniers mois


Speak him Fucked-up English?


J'apprends une nouvelle langue que j'ai appelé Fucked-up English. Il s'agit d'une forme d'anglais qu'on finit par maîtriser à force de parler en anglais à toutes sorte de monde dont l'anglais n'est pas la langue maternelle. Il y a des structures de phrases allemandes, des mots dans toutes les langues, y compris des amalgames de plusieurs langues. Remarquable.

Die Welt als Wille und Vorstellung :  plus qu'un titre, une série de caractères


Quelques temps à l'été 2004 ou 2005, j'ai été chercher une copie de La recherche du temps perdu, de Marcel Proust, à la bibliothèque de l'Université McGill. Ce livre a changé ma vie. La même journée, j'avais vu un autre gros livre étalé en plusieurs tomes sur une tablette de la bibliothèque : Die Welt als Wille und Vorstellung (Le Monde comme volonté et comme représentation), de Arthur Schopenhauer. Depuis ce temps, et surtout depuis que j'ai commencé à apprendre l'allemand en 2008, je me suis fixé comme objectif d'être capable de lire cette grosse brique de philosophie en langue originale. Récemment, j'ai fait une découverte artistique et mathématique intéressante à propos du titre.

J'ai longtemps été obsédé par la suite de Fibonacci (1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, ...) et son application en art : plus on avance dans la suite, plus le rapport entre deux nombres consécutifs se rapproche du fameux nombre d'or. Par exemple, 34 ÷ 21 ≈ 1,6190 et 55 ÷ 34 ≈ 1,6176 alors que le nombre d'or, arrondi à quatre décimales après la virgule, est de 1,6180. Ce nombre d'or est une chose mathématique bien intéressante en soi. En art, il décrit un rapport harmonieux. Où placer une bonne ligne d'horizon? Entre la moitié et le tiers de la hauteur d'une peinture, à 0,6180 fois la mesure de la hauteur pour être plus précis. Où placer le point culminant d'une pièce de musique? Rendu à 61,80% de la durée totale. C'est tout ça qui m'intéresse du nombre d'or. En musique, des compositeurs ont utilisé la suite de Fibonacci pour créer « facilement » des proportions intéressantes suivant le nombre d'or. Claude Debussy, par exemple, dans Reflets dans l'eau, tiré des Images pour piano, utilise les nombres 34, 21, 13 et 8 pour les changements de tonalité et place le point culminant au nombre d'or. Stockhausen l'a fait, Bartok l'a fait, Beethoven l'aurait fait.

J'ai découvert par hasard l'autre jour, en considérant Die Welt als Wille und Vorstellung comme inspiration pour le nom d'un projet, que « Die Welt als Wille und Vorstellung », comme série de caractères, a une longueur de 34 caractères (en comptant les espaces bien sûr). C'est un nombre de la série de Fibonacci! On peut donc espérer trouver un nombre d'or en séparant ça en deux morceaux avec une proportion mesurant chaqu'un un nombre de caractère correspondant à un chiffre de la série de Fibonacci. Le premier morceau mesurerait 13 caractères « Die Welt als  » (je garde ici l'espace après als) et le deuxième morceau mesurerait 21 caractères « Wille und Vorstellung ». Esrt-ce que Schopenhauer y avait pensé? Peu importe, c'est remarquable.

Matériel d'écriture


Alors que je perds toujours mes crayons à mines, mines et effaces, je constate que j'ai le même crayon à mine, le même paquet de mines et la même efface depuis au moins l'été passé, quand j'ai fait mon dernier ménage de bureau de prof à Rimouski. Je traîne presque toujours mon petit kit d'écriture avec moi, avec un élastique à cheveu autour. Je ne l'ai pas perdu, pas brisé. C'est remarquable.

Ma clé spéciale


Ma clé est vraiment remarquable. Quand ma coloc me l'a remise, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un beau porte-clé, mais il se trouve que c'est vraiment la clé qui ouvre la vieille serrure de la porte d'entrée du bloc. Un ami m'a expliqué qu'il s'agit d'un modèle de clé assez commun et que, parfois, on peut tourner la clé de bord dans son socle pour ouvrir une autre porte. Dans le cas de ma clé, on voit que les deux « dents » sont identiques, nul besoin de retourner la clé, de toute façon je n'ai qu'une vielle serrure à ouvrir, les serrures de notre porte d'appartement sont modernes.

Le gaz naturel


Le gaz naturel, on ne connais pas trop ça au Québec et je dois dire que ça m'énerve un peu. Je constate toutefois que je commence à m'habituer. J'ai (presque) arrêté de sursauter quand j'entends le pchhhht tic tic tic tic tic tic tic prff qui indique que le gaz est lousse et que le feu vient de pogner dans notre système de chauffage pour l'appartement. C'est normal, pchhhht le gaz est lousse, tic tic tic tic tic tic tic, le son de l'étincelle d'allumage électronique, prff le feu est parti, bien contrôlé, et réchauffe quelque chose qui s'en va dans les plinthes de chauffage. En passant, le chauffage au gaz c'est vraiment plus efficace que les plinthes électriques. En quelques minutes, la température monte partout dans l'appart. Ne reste plus aux Allemand qu'à isoler comme du monde.

Ensuite, il y a le poêle au gaz. À mon tour de tourner la roulette du niveau de cuisson, pchhhht le gaz est lousse, de peser sur le piton tic tic tic tic tic tic tic, et de voir prff le feu jaillir sous ma casserole. Une fois j'ai voulu allumer le four et je ne voyais pas le feu jaillir. Ç'a duré à peine deux secondes, j'entendais le son du gaz qui sortait, et je me disais, il y a maintenant du gaz dans l'air qui n'a pas été allumé! On va exploser! Enfin, il faut croire que si le gaz était si dangereux, il ne serait pas autant utilisé, je dois faire confiance. Des Allemands « pas lumière », il doit y en avoir autant en proportion qu'il y a de Québecois « pas lumière ». Alors si le gaz était si dangereux, tout aurait brûlé ici depuis longtemps.

Tout a brûlé pareil, mais on a appelé ça la guerre.

L'hiver est arrivé


Ça y est, j'ai sorti mon casque de poil et mon foulard tricoté, je ne leur aurai pas fait traverser l'Atlantique pour rien. L'hiver est arrivé avant-hier, avec les premières vraies températures sous 0°C. Comme beaucoup d'autres choses ici en général, et comme je le disais précédemment à propos de mon sentiment autour du Jour de l'An, c'est pareil et c'est différent.

J'ai reconnu tout de suite l'air froid, qui semble avoir sa propre texture, qui pique le nez, qui a comme une odeur de frais, celle que tentent de reproduire les produits détergents qui sentent la « fraîcheur d'avril », le « glacier » et ces autres niaiseries là. C'est aussi l'air froid qui ne donne pas trop envie de sortir bien loin, celui qui dit « reste donc chez vous ». Mais à Berlin le transport en commun est bien chauffé, les autobus surtout sont très confortables, c'est surprenant. Ça encourage à se déplacer, encore faut-il se rendre à l'autobus.

Le froid est aussi différent ici. On ressent la limpidité comme coupante de l'air sous les soleils de glace, le vent traître qui se faufile sous le manteau, mais il n'y a pas de neige et je dois dire que je n'ai pas la moindre nostalgie face à ça. Pas de bourrasques blanches qui étranglent, pas de plaques de glace sournoises qui donnent l'impression, quand on est en train de marcher, d'avancer d'un pas et de reculer de deux. Je porte encore mes vieux Converse et c'est suffisant, mais je pense que suis dû de quelques paires de bas pas troués.

Recherche d'appartement, prise 3


Eh oui, c'est la saison de la recherche d'appartement qui recommence. J'attends des nouvelles de celle dont je sous-loue la chambre actuellement, qui semble avoir bien du plaisir au Brésil et qui songe peut-être même à prolonger son séjour, et donc ma sous-location. En attendant d'avoir de ses nouvelles, il y a ma coloc actuelle qui s'informe auprès de ses amis, d'autres amis à moi qui ont peut-être une place pour moi dans un nouvel appartement potentiel, et j'envoie bien entendu des courriels qui demeurent sans réponse aux offres trouvés sur wg-gesucht.de. Je m'en passerais bien de tout ça, je me plais bien ici avec le piano électronique et toutes les choses intéressantes qui m'entourent.

Des pratiques, des concerts


Je continue ma participation à la chorale pour la saison d'hiver 2016. Les pratiques commencent ce jeudi et continueront tous les jeudis jusqu'à je ne sais pas quand. Voilà qui fait un bon point de repère à mes semaines. Sinon, les pratiques de musique improvisée se poursuivent, je dis oui à toutes les invitations, mais il n'y a pas autant de concerts à l'horizon que je voudrais.

Je jouerai le 5 février prochain dans la belle salle toute blanche de l'Exploratorium où j'ai été voir Joëlle Léandre récemment ;  ce sera en trio avec un saxophoniste de Berlin et un clarinettiste de la Suisse, avec des moments en solo et en duo. Voici une question de combinatoire : combien de possibilités ça fait? Dire que j'ai enseigné ça, en un peu plus compliqué ça aurait fait une bonne question d'examen. Il y a sept possibilités : le trio, les trois solos, et les trois duos possibles.

Je jouerai probablement pour une deuxième fois avec le Ber.I.O. (Berlin Improvisers' Orchestra) dans un quelconque bar de Berlin à la fin février. Ensuite, je me joindrai au GGRIL (Grand groupe régional d'improvisation libérée) de Rimouski (!!!) pour une série de concerts en France à la fin mars. Je jouerai ensuite à Berlin en avril, de nouveau à l'Exploratorium, cette fois avec au moins un violoniste que je connais bien, et sûrement d'autre gens avec qui j'ai bien hâte de faire connaissance.

Travailler


Je ne comprends toujours pas les gens qui ont hâte de retourner au travail après les vacances. Je dois avoir du sang d'aristocrate, ça fait 9 mois que je n'ai pas travaillé et je ne ressens aucunement le besoin psychologique de recommencer. Travailler, c'est encore pour moi une tare, un obstacle dans le chemin que je veux suivre, quelque chose qui m'empêchera de vivre pleinement, qu'il faut faire pour l'argent. Et, bien que ça se passe très bien à ce niveau là jusqu'à date, bien au delà de mes prévisions, il faut bien que je m'enligne sur la production d'argent bientôt. Bien, bien, bien. J'ai une entrevue dans une école de ballet à la mi-janvier. J'ai aussi un ami qui travaille dans un cinéma et qui tente de me faire rentrer. Ça serait bien ça, commis de cinéma c'est relax et ça laisse du temps pour, peut-être, écrire encore de longs blogs.