jeudi 17 septembre 2015

Décompte : 4 jours

À quelques jours de mon départ, je reviens sur le chemin parcouru depuis l'achat de mon billet d'avion. Je me permets également une réflexion sur la notion de « courage » et sur l'ampleur que je donne à ce projet.

J'ai acheté mon billet d'avion il y a cinq mois, le 16 avril 2015. Ça fait donc cinq mois que je pense à mon affaire, que j'organise mes flûtes, que je me prépare mentalement aussi. J'ai franchi toutes les étapes afin d'obtenir mon visa de travail à la manière d'un alpiniste : la paroi me semblait haute, le chemin difficile, mais, maintenant que j'ai escaladé, je regarde en arrière et j'ai l'impression que ce n'était pas si pire. J'ai été au Consulat d'Allemagne à Toronto et j'ai passé à peine plus de 10 minutes avec l'agent. J'ai remis les papiers dûment complétés, on a pris mes empreintes digitales puis mon visa est arrivé moins de 48 h plus tard. Einfach!

J'ai quitté mon emploi (ou plutôt, mes emplois) et j'ai quitté Rimouski. Ça n'a pas été très difficile, j'en avais ma claque depuis un bon moment. J'ai bien eu un petit moment de vertige juste avant de partir, j'ai fait un dernier tour de ville à vélo, une boule dans la gorge, et je me suis rappelé des réussites et des écueils. J'ai ramassé quelques papiers au bureau, afin de bien fermer les dossiers. Tout ça m'a permis de passer le plus bel été de ma vie. J'en parle ici. Je me suis peu ou pas intéressé au retour au travail de mes anciennes et anciens collègues, désolé! Leur réalité me semble soudainement très loin de la mienne, je me sens libre, cette vie m'emprisonnait. Je me suis peu ou pas intéressé aux actualités rimouskoises. Tout ça me semble également très loin, très petit, j'observe l'énergie déployée par les gens qui y sont toujours et ça me dépasse. Je me reconnais dans leur implication, mais je ne me sens plus concerné. Je fais du ménage dans mes contacts facebook.

On me dit que je suis « courageux ». C'est vrai que ça prend une bonne dose de confiance en soi et d'audace pour tout quitter, mais je vois les choses autrement. Pour moi, il s'agit d'une décision naturelle, presqu'inévitable. Je ne pouvais pas être heureux à Rimouski, à moins de me contenter d'une vie de militant solo ou presque, de célibataire par la force des choses, de travailleur s'éloignant de plus en plus de la création faute de temps. Entendu qu'il me fallait quitter, où devais-je aller? J'ai pensé à Québec, par dépit, parce que je pensais que c'était tout ce que j'avais les moyens de faire, après avoir payé 8000$ pour me sortir d'une histoire de bail de location commercial pour un projet artistique et communautaire qui a floppé. Mais finalement, ma vie d'économe et ma job de burn-out-presqu'assuré ont fini par payer. Pourquoi Berlin? Pourquoi pas. Donc pour moi, il ne s'agit pas vraiment de courage. Ce qui aurait été courageux, ç'aurait pu être de rester à Rimouski et de me dépenser afin que les mentalités changent et que j'aie ma chance à la course au bonheur. Le courage, ça aurait aussi pu être de déménager à Québec et de tenter de ne pas arriver au même résultat qu'à Rimouski, mais en utilisant les mêmes tactiques. Tout ça pour dire, dès que je me suis rendu compte que mes finances étaient en train de s'enligner, j'ai pris ma décision. Et dès que la décision est prise, pour moi il n'y a plus de retour en arrière possible, seulement des étapes à franchir. C'est pourquoi je ne me sens pas si courageux, d'autant plus que ce n'est pas si une grosse affaire que ça (voir plus bas).

Mes « possessions » sont soit données, soit entre bonnes mains : mon piano est au Bic chez une ancienne collègue de travail, mes vinyles sont chez mon père, ma paperasse et les quelques objets et souvenirs que je garde sont chez ma mère, mon équipement de musique est dans un local au Cégep et j'ai un paquet d'autres cossins chez une bonne amie à Rimouski. Si j'ai parfois l'impression d'avoir tout abandonné pour essayer une autre vie, je n'ai qu'à appeler l'image mentale de tous ces lieux d'entreposage temporaire pour me convaincre du contraire.

On me dit que je suis « chanceux ». Euh, non, je dirais plutôt que je suis fier d'avoir réussi ne pas faire un burn out avec toutes mes jobs, fier d'avoir réussi à économiser pour me payer ça malgré toutes les dettes d'études, etc. ; disons que je n'ai pas vécu dans le luxe à Rimouski (ni à Montréal avant ça d'ailleurs). Qu'on ne me parle pas de chance, j'ai travaillé fort!

J'essaie de ne pas voir mon départ comme quelque chose de trop gros, malgré les commentaires que me font plusieurs! Je ne sais pas pour combien de temps je pars, c'est vrai, mais je ne pense pas à long terme pour l'instant. Mon billet d'avion indique un retour prévu 6 mois après mon arrivée (c'était le mieux que je pouvais faire au moment de l'achat) et j'ai l'intention de changer la date de retour pour septembre 2016. C'est ce à quoi mon visa de travail (le Youth Mobility Agreement) me donne droit, un an de travail. Il y avait même une signature requise dans un des formulaires, par laquelle je m'engageais à ne pas rester plus longtemps que la durée du visa.

Dans mon entourage, plein de gens partent en Europe chaque année, même deux fois par année. Et on dirait que tout le monde à qui je parle connaît plusieurs personnes qui sont, elles aussi, parties un an en Europe un moment donné. Je ferai bientôt partie des gens qui commencent leurs phrases en disant « l'année où j'étais en Europe [...] ». Je vais essayer de ne pas trop être gossant avec ça.

On me dit que je ne reviendrai peut-être pas. Je ne suis vraiment pas là pour l'instant. Laissez-moi commencer par partir! Je ne veux pas être déçu de mon expérience, alors je ne place pas la barre trop haut. Si je ne trouve rien là bas, je dépenserai mes économies et je reviendrai dans 3 ou 4 mois. Si je trouve quelque chose de super, je resterai jusqu'à un an. Si j'ai envie de rester, il faudra que je fasse de la paperasse pas mal, j'imagine, je n'ai pas regardé ça du tout. Chaque chose en son temps.

1 commentaire:

  1. Je me reconnais beaucoup dans ce que tu écris Rémy.

    Certains nous disent chanceux mais il n'est pas toujours facile de tout quitter, pour rester seul avec un sac de 40 litres comme seules possessions. Il faut régulièrement lutter contre l'envie de tout laisser tomber pour retrouver sa petite vie tranquille et facile. Non, c'est un combat de chaque jour ce que l'on a choisi de faire, et moi aussi je suis fière. De toi et de moi.

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